Le dossier de ce premier numéro sera consacré à un face à face entre Alexandre Soljenitsyne et Varlam Chalamov. Ces deux grands écrivains russes représentent les deux témoins majeurs du Goulag dont l’œuvre s’est construite dans l’espace culturel poststalinien. Mais de nombreux aspects les opposent. C’est par eux que le public occidental découvre comment la terreur stalinienne a produit et fait fonctionner un système de répression carcérale s’étendant aux confins de la Sibérie. Cette prise de conscience arrive après une longue période de déni qui a dominé malgré un grand nombre de témoignages d’évadés ou de rescapés parus depuis les années 1920. Ce sont d’abord deux œuvres considérables qui présentent de façon extrêmement différente aussi bien l’univers concentrationnaire soviétique que l’expérience de leur internement : pour Soljenitsyne, le camp peut être un instrument de régénérescence spirituelle, pour Chalamov, c’est une école entièrement négative de la vie. Et leur réception les sépare encore plus. Soljenitsyne est introduit en France par la gauche communiste qui cherche à racheter son allégeance à Staline, puis il est adopté par la droite. Chalamov, à qui Soljenitsyne laisse peu de place, est d’abord porté par la gauche trotskyste, puis son œuvre s’en détache. Sa réception est tardive, malgré la force de son écriture et de la réflexion qu’il porte sur l’articulation entre littérature et témoignage. Autant dire que la comparaison – ou la confrontation – offre aujourd’hui encore des pistes précieuses pour comprendre à la fois le phénomène des répressions staliniennes et sa postérité.
Mémoires en jeu n°1 – Soljenitsyne versus Chalamov
Mémoires en jeu n°1 – Soljenitsyne versus Chalamov
Prix : 15.00€