À part une thématisation limitée chez Michel Foucault, quelques références chez Giorgio Agamben, le concept d’usage n’a pas été étudié de près depuis 1927 si l’on excepte l’étude historique à portée théologique de Christian Gnilka, Chrésis, Die Methode der Kirchenväter in Umgang mit der antiken Kultur, I Der Begriff des rechten Gebrauchs, (Schwabe § Co AG Verlag, Basel/Stuttgart, 1984). Si nous nous référons à la date de 1927, c’est qu’il nous semble que la seule pensée de l’usage dans la philosophie contemporaine est bien celle que met en œuvre Heidegger dans Être et Temps et dans les cours antérieurs à la publication de l’ouvrage. Or une lecture serrée de ces cours et de l’ouvrage publié en 1927 montre que Heidegger a opéré une reconduction de l’usage au produire et du même coup a manqué l’usage. Cette étude se propose de dévoiler la centralité du concept d’usage dans la pensée antique, principalement à partir de l’étude de l’oeuvre d’Aristote, et sa portée ontologique. Mais, au-delà d’une étude de la pensée antique, elle se propose aussi de montrer la pertinence et la richesse de ce concept qui irrigue toutes les dimensions de la vie et permet de concevoir ce que pourrait être le modus vivendi de notre temps. Après avoir arraché l’usage à sa mécompréhension contemporaine héritée de la pensée de l’utile des Lumières, l’ouvrage se déploie en deux parties. La première envisage comment la philosophie se présente soit comme la condition de tout usage, soit comme la forme suprême de l’usage chez Platon et Aristote, tout en envisageant toutes les modalités de l’usage dans la pensée antique. La seconde partie montre comment la « répétition » d’Aristote par Heidegger recouvre plus qu’elle ne la dévoile la pensée aristotélicienne de l’usage dans l’abondance de ses dimensions en assimilant l’usage au produire et l’œuvre au produit.
François Loiret, professeur agrégé de philosophie en classes préparatoires littéraires, a publié Volonté et infini chez Duns Scot, Kimé, 2003; Duns Scot, La cause du vouloir suivi de l’Objet de la jouissance, traduction, Belles Lettres, 2009.