Le possible est un spectre parce qu’il a une présence fantomatique qui flotte quelque part entre ce qui est et ce qui n’est pas. Pour que le possible soit réellement possible ne faut-il pas, en effet, qu’il ne soit pas déjà réellement réel ? Ce spectre du possible n’occupe pas seulement nos pensées quotidiennes, il hante l’histoire de la philosophie.
Loin de questionner ce concept fantomatique de possible, la philosophie l’a chargé de faire qu’« être » devienne un verbe d’action. En mélangeant le pouvoir-faire et l’être, elle a forgé le mirage du pouvoir-être. Ce que Parménide savait, à savoir que le chemin du possible s’ouvre là où finit la voie de l’être, ses successeurs ont aussitôt voulu l’oublier. La relecture minutieuse de son Poème projette en effet un éclairage neuf non seulement sur l’ontologie, mais encore sur les philosophes post-parménidiens, dont les rêves de meurtre à son endroit trahissent les fils indignes.
Ce travail engage à la fois une redéfinition pratique du concept de possible et une nouvelle histoire de la philosophie qui part de la krisis parménidienne pour aboutir à un usage inconscient du possible chez Bergson lui-même, en passant par Platon, Aristote, Leibniz, et Hegel, qui cultivent chacun à leur façon ce mystère ontologique.
L’objet du présent ouvrage est de dissiper le spectre du possible en revenant de ces conceptions magiques à un concept critique du possible. S’il est urgent de chasser le possible hors de la sphère de l’être, c’est non seulement au nom de l’ontologie, pour désolidariser l’être du faire, mais encore au nom de la politique, pour libérer le faire de l’être et ne plus oublier que l’homme est la mesure du possible.
Guillaume Pigeard de Gurbert, agrégé, docteur en philosophie, est professeur de première supérieure. Le spectre du possible, qui porte sur les usages philosophiques du possible, forme un diptyque avec Le mouchoir de Desdémone (Actes Sud) qui en étudie les fonctions artistiques. Son précédent livre, Kant et le temps, est paru chez Kimé.