La philosophie de l’art de Wittgenstein est délibérément provocatrice, et concerne d’ailleurs une élite faite d’amateurs avertis, de mélomanes ou de professionnels : « Le sujet (l’Esthétique) est très vaste et tout à fait mal compris, autant que je puisse le voir ». Il s’agit d’abord de dissiper les fausses évidences, de démystifier le « jugement de goût », ou la psychologie expérimentale relative à l’expérience esthétique, mais aussi le trouble induit par les images inscrites dans notre langage qui nous portent à philosopher : ainsi du platonisme vers lequel nous poussent les substantifs comme « beauté ». Wittgenstein nous propose une enquête grammaticale sur les mots de l’art, et substitue au platonisme des théories esthétiques une conception démystifiée où comprendre l’art veut dire entendre un thème musical – comme (une valse, une marche) ou voir un tableau comme – (un tableau de genre ou une nature morte), conception issue d’une philosophie des aspects.
Christiane Chauviré est professeur honoraire de l’Université de Paris 1 Sorbonne. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sur Wittgenstein et Peirce.