Défis éthiques et politiques d’une métamorphose
Traversés par des choix idéologiques et politiques, nos espaces de vie se posent souvent comme des terrains de luttes ou de conflits : squats, occupations d’usines, « accueil » des gens du voyage par les municipalités, « gestion » des sans-abri au cœur des villes, désaccords à l’occasion de constructions ou de démolitions de lieux de culte… Dans le même temps, la numérisation du monde bouleverse toutes les dimensions de notre existence. Les corps continuent, certes, de se croiser ou de se rencontrer dans les différents espaces. Mais la possibilité offerte en permanence, par l’intermédiaire du smartphone, de dépasser la présence corporelle dans un lieu pour communiquer avec l’être absent constitue une métamorphose sans précédent. Cette nouvelle situation interroge les notions mêmes de présence, d’identité et de socialité. En quel sens la digitalisation de nos vies change-t-elle notre condition spatiale ? Et quelle forme pourrait prendre une politique soucieuse de ces profondes transformations ? Prendre au sérieux les grandes mutations de nos espaces (matériels et virtuels) constitue une voie nécessaire pour penser des formes d’émancipation propres à articuler liberté et production du commun au sein de nos fragiles démocraties.
Fred Poché est professeur de philosophie contemporaine à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de l’UCO, ainsi que membre de l’Unité de recherche multi-sites, RPPsy « Recherches en psychopathologie et psychanalyse », section d’Angers. Auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, dont Vivre dans une société numérisée (Kimé, 2024), il est le lauréat du prix Jean Finot de l’Académie des Sciences Morales et Politiques pour son livre : Blessures intimes, blessures sociales (Cerf, 2008).