Les théories néo-classiques qui fondent l’analyse néo-libérale de l’économie, ont essuyé des critiques au vitriol. Les économistes sont aujourd’hui profondément divisés. L’expertise économique a été éreintée pour sa gestion de la crise de 2008. Pourtant ces diatribes n’ont en rien ébranlé la croyance dominante dans le caractère scientifique de la discipline.
C’est qu’elle déploie un effet de scientificité, reposant sur sa mathématisation, sur l’effet de transparence qui en découle, et sur le caractère infalsifiable de la modélisation économique, qui écarte les démentis infligés par la pratique. Pour mesurer le prix payé par la discipline, il convient de revenir à ses fondements, d’en mesurer l’incohérence et l’ininterprétabilité.
On s’apercevra que la calculabilité économique repose sur le mythe d’une transparence informative impossible, sur un modèle de rationalité introuvable, excluant toute critique de son pouvoir, dangereux facteur de crise. En tentant de se constituer en science sur le modèle de la physique, l’économie néo-classique finit par renoncer à la vérité et par fonder une mythologie reposant sur la coupure des modèles et des récits.
Jean Robelin ; professeur honoraire en philosophie, université de Nice, membre de la Société Française de Philosophie, a notamment publié aux éditions Kimé : Esquisse d’une politique de l’esprit et Pour une rhétorique de la raison. Il est l’auteur de plusieurs articles de philosophie sociale, sur l’économie, la spéculation, le management, l’Europe, ainsi que d’articles de philosophie de la culture.