Pourquoi le poème nouveau que Baudelaire élabore dans les temps nouveaux du capitalisme prend-il la forme de la photographie ? Cela est pourtant à peine concevable puisque le poète n’avait pas de mot assez dur pour cette technique nouvelle dans laquelle il ne reconnaissait pas un art, c’est-à-dire une image issue du langage et du rêve, du pinceau et de la musique, mais de la seule « industrie » et de la matière. Mieux : de quelle manière et pourquoi ce poème se fixe-t-il comme image photographique ? Or, ce n’est pas que le poème s’abandonne, c’est qu’il prend cette forme. Et de son côté, l’image photographique ne cesse, aujourd’hui encore et toujours, de s’extraire en quelque sorte comme ce poème-là.
On espère le vérifier grâce à une reformulation des raisons du poème baudelairien afin d’être en mesure, ensuite, de plonger le regard au fond des images photographiques qui les accomplissent dans l’Histoire et notre présent, celles du grand photographe américain Walker Evans (1903-1975), traducteur surprenant et méconnu de la Chambre double de Baudelaire.
André Hirt enseigne la philosophie en khâgne au lycée Faidherbe de Lille. Il a publié de nombreux ouvrages aux éditions Kimé, entre autres sur Glenn Gould, Baudelaire, Descartes, Karl Kraus, Robert Musil. Aux mêmes éditions, il a écrit le premier livre en français sur Philippe Lacoue-Labarthe. Il prépare actuellement la suite du Chantier Faustus (consacré à Thomas Mann), qui portera sur la métaphysique de la musique ainsi que sur les questions de civilisation qui s’y rapportent.