Faut-il en toute chose aller aux extrêmes ? Et faut-il avoir atteint une sorte de climax pour être à la hauteur de ce qu’exigent la création artistique, la politique et la pensée ? Les expériences si dangereuses de ce genre, telles qu’elles furent pratiquées au XXe siècle, ne résultent-elles pas d’un Pacte frauduleux contracté avec le diable, et l’une d’elle n’a-t-elle pas fait le malheur d’Adrian Leverkühn, le compositeur pas si imaginaire que cela du Docteur Faustus de Thomas Mann ?
C’est à partir de ce roman et du destin de son personnage principal, que l’on se propose, dans la continuité de ce qui s’est ouvert précédemment sous le nom Chantier Faustus, d’évaluer le degré de crise de la culture et de la civilisation, d’examiner dans ce contexte les conditions de la création artistique et de redéfinir la nature de la pensée en prenant à contrepied le Pacte et ses forçages par le rappel des contraintes de sa finitude.
La figure imposante de Beethoven sert ici de guide, depuis la IX° Symphonie qui s’achève, on ne le sait pas assez, sur l’ambiguïté d’un cri déchirant de joie mais aussi d’ivresse et d’inarticulation, en réalité de défaite historique, jusqu’à la dernière Sonate pour piano, opus 111, qui embrasse cette fois-ci, avec sobriété et amour, l’humanité de l’homme. C’est alors, pour les temps à venir, « l’humain » qu’elle cherche à tutoyer, à nous faire entendre et comprendre.
André HIRT a publié de nombreux ouvrages aux éditions Kimé, entre autres sur Glenn Gould, Baudelaire, Descartes, Karl Kraus et Robert Musil. Aux mêmes éditions, il a écrit le premier livre en français sur Philippe Lacoue-Labarthe. Il est l’auteur du Chantier Faustus (consacré à Thomas Mann) qui porte sur la métaphysique de la musique ainsi que sur les questions de civilisation qui s’y rapportent. Le présent ouvrage marque l’achèvement de ce projet.