Au-delà du titre volontairement provocateur, ce livre répond à une double ambition : – Introduire à une critique anthropologique de ce qu’on appelle couramment des œuvres littéraires (latines ou grecques) en les traitant non comme des textes, des objets autonomes, porteurs de significations et susceptibles d’être interprétés aujourd’hui par une lecture, mais comme les traces d’actions passées, de pratiques qu’il faut reconstituer pour comprendre à quoi correspondaient ces actes de parole que l’on catalogue, à tort, dans la littérature. L’exemple sur lequel s’exerce cette critique anthropologique est l’une des plus célèbres de ces prétendues œuvres littéraires: l’Odyssée. Une fois resituée dans son contexte énonciatif, et ramenée à un acte sans autre signification que lui-même – chanter l’épopée homérique – l’Odyssée est confrontée avec d’autres pratiques culturelles contemporaines : une publicité des pâtes Panzani, le film Le grand Bleu, et la tauromachie dont les fonctionnements sont sur bien des points comparables. – Sortir intellectuellement de la « galaxie Gûtemberg », de l’impérialisme de l’écriture et donner aux « littératures orales » un prestige entier, en cessant d’en faire des pré-littératures en attente de l’écriture, comme on fait des séries télévisées de la sous-culture.
Florence Dupont est professeur à l’Université Paris 7 – Denis Diderot, membre du Centre Louis Gernet (Anthropologie de l’Antiquité Classique), Directeur de programme au Collège International de Philosophie. Concernant l’anthropologie des littératures et pratiques culturelles anciennes, elle a publié, L’invention de la littérature, de l’ivresse grecque au livre latin,1994, La Découverte-Maspéro, L’orateur sans visage. L’acteur romain et son masque, 2000, PUF, en collaboration avec Thierry Éloi, L’érotisme masculin dans la Rome antique, 2001, Belin.