Charles Appuhn (1862-1942) professeur agrégé de philosophie au lycée d’Orléans, fut le grand traducteur de toute l’œuvre de Spinoza, comme aussi d’écrits majeurs de Cicéron. On sait moins qu’il créa en 1909 le lycée d’Alexandrie, la ville où il naquit en 1862. Encore moins souvent sait-on de lui qu’il fut chef de la section allemande qu’il fonda avec Renouvin au Musée-Bibliothèque de la Guerre où il fut présent de 1919 à 1935 ; c’est lui qui confectionna non seulement le Catalogue général mais aussi le Catalogue méthodique du fonds germanique. Son activité à la BMG le conduisit en mission en 1921 et 1923 en Allemagne, et c’est ainsi sans doute qu’il put se procurer Mein Kampf alors strictement interdit en France, tant en allemand que traduit. Dans son souci d’informer et alerter les Français, Charles Appuhn contourna la censure en en traduisant de larges extraits et en résumant avec concision le reste : il a ainsi rendu l’essentiel de la « Bible du peuple allemand » accessible à tous en peu de pages rédigées avec un ordre et une clarté toute professorale.
Cet Hitler par lui-même publié en France en 1933 fut interdit dix ans plus tard par les autorités d’occupation allemandes. Il semble que l’ouvrage ait amplement disparu depuis. Le lecteur ne peut que percevoir clairement quelle « vision du monde » a conduit à la « guerre totale » en Europe, dont les ondes de choc n’ont pas fini de nous affecter soixante-quinze ans après.
Édith Fuchs, professeur honoraire de philosophie, Première supérieure à Paris et Maître de conférences à l’IEP de Paris.