Se demander ce qu’est le peuple, c’est tomber dans des contradictions sans solution. Peuple est un concept impur.
Ce nom désigne l’un des termes d’une relation de domination, pour la justifier ou pour y résister. Il synthétise des expériences collectives par lesquelles des individus se reconnaissent membres de tel peuple, proclament « C’est nous le peuple ! ». Trois expériences : faire pays et l’habiter, en se protégeant de l’étranger ou bien en accueillant les errants ; user de ses droits civiques et politiques en élisant des représentants, puis en obéissant aux lois ou bien en contrôlant les élus ; descendre dans la rue pour contester les décisions du Souverain, s’organiser en comités autonomes et se battre pour élargir ou défendre les droits individuels : quand la souveraineté populaire s’oppose au Peuple souverain.
Un peuple est une manière d’être d’une multitude. Trois manières unifiant et divisant les sociétés modernes, ne coïncidant jamais avec elles-mêmes.
Les décrire, en partant du moment présent, pour esquisser les voies de l’émancipation, d’une démocratie par en bas.
Gérard Bras est professeur (honoraire) de philosophie en classes préparatoires. Ses travaux portent sur la philosophie politique, mais aussi Spinoza et la philosophie de l’art. Il préside l’Université Populaire des Hauts-de-Seine. Il a notamment publié Les voies du peuple aux éditions Amsterdam.