Peut-on parler d’une culture mondiale ? À première vue la réponse est positive. La mondialisation repose sur une universalisation économique accompagnée d’une universalisation politique. Le système de l’économie monde repose sur l’expansion des marchés et sur la généralisation de l’entreprise comme institution totale. Ce système a pour forme politique la démocratie régime appelée à se répandre partout avec ses droits de l’homme et du citoyen. L’universalisation culturelle semble s’imposer avec les médias de masse du capitalisme cognitif, avec l’unification linguistique opérée par l’anglo-américain, avec l’expansion d’un idéal de vie individualiste centré sur la consommation. Le néolibéralisme se présente comme la conception totalisante du monde, de ce monde.
C’est ainsi en ces conditions que s’accomplit ce que l’on nomme le retour de la religion. Sous ce terme se dissimule une pluralité de phénomènes qui défient les théories disponibles de la religion notamment celles qui se définissent comme critique de l’imaginaire idéologique. Concurrence des monothéismes, vitalité exceptionnelle de l’Islam, recul des hérésies égalitaires du christianisme, poussées d’intégrisme théologico-politique au sein des religions universelles, tentations de recours à la guerre sainte, émergence de religions bricolées soutenant l’intégration dans une société de concurrence, marché des croyances absurdes et ce au sein d’une époque qui devait être selon Weber celle du désenchantement et du rationalisme calculateur. Sous cette mosaïque bigarrée se constituent des rapports complexes de pouvoir autour d’enjeux bien terrestres et rien n’assure que les masses subalternes ne trouvent là satisfaction de leur désir d’émancipation cruellement dénié.
André Tosel est professeur émérite de philosophie à l’Université de Nice-Sophia Antipolis. Il a publié récemment Un monde en abîme. Essai sur la mondialisation capitaliste, Paris, Kimé, 2008, Spinoza ou l’autre (in)finitude, Paris, L’Harmattan, 2008, et Le marxisme du XX° siècle, Paris, Syllepse, 2009.