L’idée s’est largement répandue que le sort de la paix est étroitement lié au destin d’une civilisation mondialisée, uniformisée par la généralisation des mêmes comportements face à l’information et à la consommation . La perspective d’une extension planétaire de la rationalité scientifique et technique inspire le sentiment que la paix serait devenue une affaire » postmoderne » ; il est tentant de regarder cette perspective comme une sorte de fin de l’histoire et de croire que la paix pourrait désormais s’administrer comme une chose. Les adeptes d’un gouvernement mondial l’admettent à leur façon, en ramenant la paix à un objectif productible par le moyen d’une homogénéisation des besoins et des satisfactions.
Mais le XXIe siècle naissant voit apparaître une nouvelle combinatoire du danger, de nouveaux types de conflits et de nouveaux déchaînements de violence. La transformation de la guerre engendre des divisions sur la question de la paix à l’intérieur de la civilisation occidentale, qui devient elle-même une réalité à détruire par ceux qui s’en disent les ennemis. Fait nouveau : c’est au moment où l’on prend conscience de la dimension culturelle de la paix, par-delà sa dimension politique, que ses enjeux culturels deviennent tout autant une arme de guerre qu’une arme… de paix.
Monique Castillo, docteur d’Etat, diplômée de l’Institut des Etudes Politiques de Paris, est professeur à l’université de Paris XII, où elle dirige le séminaire d’Ethique, droit et politique. Elle a particulièrement étudié l’œuvre juridique et politique de Kant et se consacre depuis quelques années à la philosophie politique contemporaine : ses derniers travaux portent sur la question de la paix, de la citoyenneté, du droit. Elle a dirigé un ouvrage collectif européen (où coopèrent des juristes et des philosophes) sur le thème : Morale et politique des droits de l’homme.