15 études sur la poétique de l’espace (post)colonial
La conquête coloniale s’est accompagnée de l’établissement de cartes qui permettent de délimiter le territoire occupé. La cartographie du territoire colonial se fait par le tracé des frontières et diverses opérations de bornages et de cadastrage. « L’empire des cartes » (Christian Jacob) est d’autant plus coercitif qu’il s’agit de cartes de l’Empire, cartes de pouvoir qui symbolisent la puissance européenne. Même sans insérer de carte réelle, les textes littéraires produisent une cartographie de l’espace qui implique un ancrage territorial, la représentation d’une surface, réelle ou imaginaire, mais qui engage aussi un système métaphorique comme le suggère la notion de « mapping » en anglais. La métaphore cartographique s’est emparée de l’espace littéraire tant dans son versant fictionnel (Michel Houellebecq) que dans sa dimension théorique et critique.
La réflexion relève d’une histoire spatiale du fait colonial dans la perspective de la « spatial history » anglo-saxonne et de la géographie sociale promue par Henri Lefebvre, mais telle qu’elle est perçue et représentée par la littérature. L’objet du volume est de privilégier une pensée géographique de la littérature, d’examiner comment la littérature articule une poétique et une politique à l’espace tel qu’il a été cartographié et produit par la colonisation et génère le plus souvent une réponse – topographique – du sujet écrivant. Il s’agit de montrer en quoi des textes littéraires coloniaux et postcoloniaux peuvent « faire carte » selon un cadastre mental élaboré par l’imaginaire.
Yves Clavaron est professeur de littérature générale et comparée à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne. Ses travaux portent sur les études postcoloniales, la francophonie, l’écocritique et l’histoire littéraire atlantique.