Longtemps considéré comme un nihilisme et accusé de pratiquer un « culte du néant » par les penseurs européens du xixe siècle, le bouddhisme aujourd’hui mieux connu ne cesse pour autant d’être déconsidéré par les monothéismes, portés à voir dans l’a-théisme bouddhique une forme pernicieuse d’athéisme et refusant d’accorder crédit à une « religion » sans Dieu créateur. Nietzsche fut par ailleurs le premier philosophe occidental à s’inquiéter d’une possible collusion entre « l’asthénie de la volonté » que le bouddhisme était supposé préconiser, et le nihilisme dont l’ombre délétère commençait à s’étendre sur l’Europe.
Le propos de ce livre est de retourner la position nietzschéenne à la faveur des acquis contemporains relatifs à la philosophie bouddhique, et de montrer que l’autodépassement du nihilisme envisagé par Nietzsche, puis par Heidegger et Jünger, suppose un « surmontement » (Überwindung) paradoxal du nihilisme auquel la vision bouddhique de la vacuité (sk. sūnyatā) pourrait apporter un éclairage inédit, comme l’a envisagé le philosophe japonais Nishitani Keiji dans son ouvrage majeur Qu’est-ce que la religion ? Au lieu d’être un obstacle en raison du nihilisme qu’on lui prête, l’enseignement du Bouddha pourrait de surcroît contribuer à ce que ce nouveau combat de Géants dont dépend l’avenir du monde occidentalisé prenne une tournure pacifique.
Philosophe et essayiste, Françoise Bonardel a été Professeur de philosophie des religions à l’Université de Paris1-Sorbonne. Elle dispense également des enseignements à l’Institut d’Etudes Bouddhiques (IEB). Auteur de nombreux ouvrages, elle a notamment publié Bouddhisme et philosophie. En quête d’une sagesse commune (L’Harmattan, 2008) et Bouddhisme tantrique et alchimie (Dervy, 2012). D’autres essais témoignent de son intérêt pour les traditions occidentales anciennes (hermétisme, gnose, alchimie) : Philosophie de l’alchimie ( PUF, 1993), Philosopher par le Feu. Anthologie de textes alchimiques (Almora, 2009), Jung et la gnose (P.-G de Roux, 2017).