Baudelaire chez Benjamin
Depuis ses traductions de jeunesse jusqu’aux dernières recherches de l’exil parisien, Walter Benjamin a reconnu dans l’œuvre poétique de Baudelaire une « clé confectionnée sans la moindre idée de la serrure où un jour elle pourrait être introduite ». Laissé en plan au moment de sa mort, le Baudelaire porte la trace de la convergence des motifs extrêmes de sa philosophie, l’allégorie et le fétichisme de la marchandise. En montrant que la production lyrique s’approprie l’aura de la marchandise, transformée en objet poétique avant même que ces « lubies théologiques » ne tombent sous l’œil de Marx, Benjamin a voulu défricher la charge politique du magasin de signes et d’images des Fleurs du mal.
Par un geste parent du tikkun, du kintsugi ou de la correspondance baudelairienne, le présent ouvrage rouvre les manuscrits parisiens de Benjamin oubliés pendant près d’un demi-siècle pour restituer ce qu’aura été ce livre inachevé, cette immense compilation de fragments où s’éclairent les ambiguïtés constitutives de l’énigme de notre modernité. Il trace ainsi les grands axes d’un poème du Capital qui acte le cours catastrophique de l’histoire sans renoncer à sonder ses suites et ses floraisons inespérées.
Yoann Loir est agrégé et docteur en philosophie. Ses recherches sur l’art et la politique ont notamment été poursuivies dans le séminaire « Que peut la poésie à l’âge du Capital ? » au Collège International de philosophie.