L’originalité parfois surprenante et les qualités créatrices d’Oscar Wilde en tant que poète, romancier, dramaturge, sont à juste titre largement reconnues : mais il n’en est pas forcément de même quant à ses réflexions et à ses prises de position dans les domaines de la philosophie, de la morale, de la vie sociale et politique, réflexions pourtant bien repérables dans l’ensemble de son œuvre, même si L’Âme de l’homme sous le socialisme reste le texte de référence. Pourquoi ce moindre intérêt ? Parce qu’il a violemment dénoncé la société victorienne, parce qu’il a entrepris cette « extravagante croisade celtique contre la stupidité anglo-saxonne », selon le mot de Yeats : et surtout parce que son attitude critique le conduit à affirmer que les temps doivent changer. En effet, le moment semble venu de construire une société nouvelle qui permettra à chacune et à chacun de s’épanouir pleinement, plein épanouissement qu’Oscar Wilde appelle « l’individualisme véritable » : point de vue perspicace et audacieux fondé sur la reconnaissance, dans le prolongement de la pensée de Marx, de l’existence d’un lien constitutif entre individualisme et socialisme.
Docteur en philosophie et professeur agrégé, Jacques Ducol est l’auteur d’ouvrages sur Paul Valéry, Antonio Gramsci et Pier Paolo Pasolini.