Dirigé par Frediano Sessi
Avec les collaboration de Carlo Saletti et de Frédéric Crahay
En 1990, Jacques Le Goff écrit : « Dans l’ensemble des événements qui se sont déroulés à un rythme élevé en Europe de l’Est, il y en a un qui ne fait pas les gros titres des journaux, bien qu’il se révèle être un élément clef : la révolution en marche dans l’expression de la mémoire collective. Cet élément combine un aspect important du dégel des nations et des sociétés de l’Europe de l’Est à l’une des tendances les plus importantes de la pensée historique contemporaine : le rôle de la mémoire collective et la relation entre histoire et mémoire ». (À l’Est, la mémoire retrouvée, La Découverte 1990).
Cette considération s’applique d’autant plus qu’aujourd’hui (2012), avec une distance de désormais 22 ans, notre attention se porte sur les « sites » objets de l’histoire, de la mémoire et des voyages mémoriels dans la sphère européenne. On peut se demander quel est l’actuel arrangement muséal qui est présenté au public d’aujourd’hui et quel est le changement correspondant dans le discours de la mémoire qui le justifie. Plus encore, il serait utile de comprendre quel débat a, durant des années (de 1989 à 2012) produit ce changement et quels en étaient les critères, idées et les méthodes d’inspiration. Plus encore, actuellement, des controverses sont encore existantes et des questions non résolues, que ce soit sur le plan historique ou culturel (des politiques de la mémoire).
Dans le passé, à partir des années suivant la Seconde Guerre mondiale, le but des anciens combattants et des survivants était certainement d’ériger un musée à la mémoire des victimes (sous ses aspects divers, avec des ouvrages de témoins ou de recherche – sculpté dans de la pierre – avec des monuments à la mémoire – et sur pellicule – avec des films documentaires ou des albums de photos et des expositions itinérantes ; sans oublier l’importance des sites mêmes, les lieux où les faits furent commis – Auschwitz, Dachau, Mauthausen, Hartheim, etc. – pour lesquels il était nécessaire de décider de la transformation en un musée, pour en garantir la conservation (conservation/restauration/destruction de ce qui restait). De cette façon, en fonction des choix faits par les associations d’anciens combattants et de survivants et des États impliqués dans les projets , une « stratégie » a été définie qui tour à tour a conservé, modifié et en partie annulé l’histoire en la pliant aux nécessités de la mémoire, comme elle a été développée à l’Est (sous les régimes communistes) et à l’Ouest avec les nouvelles démocraties, même au sein d’une division du monde qui jusqu’à 1989 semblait insurmontable.