C’est au cours de l’histoire turbulente de la colonisation, notamment de la rivalité avec les Britanniques, que s’est construit l’exotisme français des Indes orientales jusqu’au XVIIIe siècle. Et c’est à travers la réfraction de la défaite (face à la « perfide Albion ») dans l’imaginaire de « passeurs d’Orient » de second rang qu’il s’est perpétué jusqu’à nos jours sur un mode nostalgique ou révulsé, mais la plupart du temps désabusé et revanchard. De fait, l’exotisme français sacrifia trois siècles durant aux poncifs sur la romance coloniale et les (dés)unions raciales, les rapports tumultueux entre religions, le despotisme oriental et les coutumes barbares, les vocations comparées des puissances colonisatrices, enfin les vagues successives de fascination et de désenchantement qui accompagnèrent expansions et replis de la France outre-mer.
J. Assayag, philosophe et anthropologue de formation, est Directeur de recherche au C.N.R.S. et membre du Centre d’Etudes de l’Inde et de l’Asie du Sud de l’Ecole des hautes Etudes en Sciences Sociales.