La question platonicienne est traversée par une énigme qui défie les interprètes depuis les travaux de Léon Robin, qui datent de plus d’un siècle. Platon a-t-il élaboré une doctrine, ou sa pensée est-elle tout entière contenue dans les dialogues ? Autrement dit, y a-t-il un enseignement secret de Platon qui n’apparaîtrait pas dans son œuvre écrite ? Le témoignage des doxographes, à commencer par Aristote, laisse entendre que Platon a bien enseigné une doctrine, mais comment expliquer le silence des dialogues ?
Analysant l’étrange passage du Timée qui s’articule sur la gamme pythagoricienne, J.-J. Duhot, qui a aussi été musicien professionnel, en a décrypté la clef, qui avait échappé aux interprètes : le Même code l’octave, soit le rapport 2, et l’Autre code la quinte, soit le rapport 3/2. Cette clef, indiscutable en elle-même, comme le démontre J.-J. Duhot, permet d’établir la grille de lecture qui éclaire toutes les obscurités du passage. On a donc là une double équivalence, entre métaphysique (Un/Multiple), acoustique (octave et quinte), et mathématiques (construction arithmétique de la gamme). J.-J. Duhot montre que c’est la matrice sur laquelle Platon construit son œuvre et met en place le postulat de mathématicité du monde, qui sera la base de toute la science moderne, à partir de Galilée. La gamme du Timée offre un modèle mathématique, la division de 2 en produits de facteurs dans un système logarithmique, qui résout (métaphoriquement) les problèmes de l’Un et du Multiple. On voit ainsi apparaître un « cycle éléatique » dans lequel, au fil des dialogues, Parménide, Théétète, Sophiste et Politique, se met en place une véritable doctrine platonicienne. Doctrine secrète qui s’offre au lecteur qui sait en décrypter le code.
Jean-Joël Duhot est enseignant-chercheur émérite à l’Université Jean Moulin Lyon III.