« On n’est jamais si malheureux qu’on croit » ! Les écrivains des siècles précédents, surtout ceux du XIXe siècle, auront passé leur temps à déplorer l’existence de ces individus détestables, de ces tyrans ignares, de ces parasites impuissants qu’étaient à leurs yeux les critiques ; et voici que leurs successeurs du début du XXIe siècle se mettent à pleurer en chœur la disparition (dans laquelle ils voient l’un des plus graves symptômes du déclin de la littérature) de ce personnage indispensable! Cet ouvrage comparatiste de synthèse aborde sous des angles multiples – chronologiques avec une dominante qui va du XVIIIe au XXIe siècles, génériques en prenant notamment en compte non seulement le roman auquel sont consacrés la majeure partie des articles mais aussi le théâtre et la poésie, géographiques en incluant par exemple l’Amérique latine, l’Estonie ou l’Inde – les rapports ambivalents de ces frères ennemis qui n’en font parfois qu’un seul, ainsi lorsque le critique universitaire se transforme à son tour en écrivain, un phénomène sur lequel se penche Jacques Body : « la littérature comparée mène à tout, même à la littérature ». Une attention particulière est prêtée aux mises en scène fictionnelles des relations entre l’écrivain et son critique (notamment dans les romans de Nabokov ou dans Possession d’Antonia Byatt), aux effets de l’intervention de ces critiques particuliers que sont le censeur ou le juge (sujet en particulier de l’article d’Hélène Maurel-Indart), ainsi qu’à ce genre hybride de la fiction critique qui s’est développé durant ces dernières décennies. Les réflexions générales de Daniel-Henri Pageaux s’appuient sur la « critique recréante » pratiquée par l’École de Genève, celles d’Yvan Leclerc sur l’hostilité de Flaubert à la critique et celles de Frédérique Toudoire-Surlapierre sur un ensemble de textes modernes quant à eux plutôt favorables à ceux que Genette appelle « des créateurs sans création ».
Ancien élève de l’ENS, Philippe Chardin est professeur de littérature comparée à l’université François-Rabelais de Tours. Il a notamment publié : Le Roman de la conscience malheureuse, Genève, Droz, 1983 (« Titre courant », 1998) ; L’Amour dans la haine ou la jalousie dans la littérature moderne, Droz, 1990 ; Musil et la littérature – Amours lointaines et fureurs intempestives, Éditions universitaires de Dijon, 2011. Parmi les ouvrages collectifs qu’il a dirigés, deux ont déjà paru aux éditions Kimé : Roman de formation, roman d’éducation dans la littérature française et dans les littératures étrangères en 2007 et Originalités proustiennes en 2010.
Agrégée de Lettres modernes, A.T.E.R. de littérature comparée à l’université François-Rabelais de Tours, Marjorie Rousseau achève un doctorat en littérature comparée consacré aux représentations de la prostituée dans le roman occidental de la fin du XIXe siècle, dans les domaines français et espagnol. Elle est l’auteur de différents articles portant sur les naturalismes français et espagnol ainsi que sur Dostoïevski, parus dans Les Cahiers naturalistes, Littérature et Nation, Trans-. Revue de littérature générale et comparée.