La littérature française a vu, entre le XVIIe siècle et nos jours, se succéder deux modèles esthétiques dominants, ‒ le classicisme et le réalisme. La France a d’abord eu à connaître le règne du paradigme classique : celui-ci était fondé sur une certaine interprétation des littératures de l’Antiquité, notamment de la Poétique d’Aristote, et reposait sur la thèse que l’œuvre littéraire devait apporter un enseignement susceptible d’éclairer le lecteur dans sa propre existence. Ce modèle, qui s’est diffusé aussi hors de France, a cependant subi un détricotage progressif au XVIIIe siècle, comme un chandail qui s’effilocherait maille par maille et dont on récupérerait la laine pour assembler un nouveau vêtement, très différent de l’ancien. Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau marquent la fin du règne du classicisme et inaugurent l’ère de la « modernité ». Avec l’esthétique moderne, ou réaliste, l’enjeu d’une œuvre ne se situe plus en aval, mais en amont d’elle-même : elle est censée fournir des informations sur son contexte de production et sur son auteur. Quand commence le XIXe siècle, la poétique classique a définitivement cédé le pas à ce nouveau paradigme, le réalisme, dans lequel un Boileau, un Racine ou un Molière ne se seraient pas reconnus, et à l’intérieur duquel des mots comme « art » ou « vraisemblable » ont changé de signification. Après avoir dominé le XIXe et le XXe siècles, le réalisme règne toujours aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle, sur le champ littéraire.
Directeur de recherches à l’université de Namur (Belgique), membre de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique, Michel Brix est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages ‒ essais et éditions ‒ consacrés à la littérature française des XVIIIe et XIXe siècles ; il a notamment publié, aux éditions Kimé, Poème en prose, vers libre et modernité littéraire (2014) et Libertinage des Lumières et guerre des sexes (2018).