Alors que la chronique culturelle ne saurait tenir lieu d’histoire des idées, la rencontre de Davos de 1929 entre Cassirer et Heidegger a été largement iconisée, si bien que ses enjeux sont restés obscurcis. Restituer le contexte des rencontres, préciser leurs thèmes, tenir compte de la diversité des témoignages, permet de ne pas s’en tenir à la vulgate.
À relire les propos des protagonistes, on s’aperçoit que le débat n’eut pas véritablement lieu. Récusant toute entente, l’offensive de Heidegger visait à disqualifier Cassirer à travers Kant et le néokantisme, que le magistral auteur de la Philosophie des formes symboliques avait pourtant dépassés sans les renier. Déjà, des menaces pesaient sur la pensée européenne. Cassirer était bientôt contraint à l’émigration. Devenu l’un des fers de lance académiques du national-socialisme, Heidegger affirmait en 1933 que la métaphysique devait laisser place à la métapolitique.
Presque un siècle après la rencontre de Davos, le présent livre paraît dans un paysage renouvelé. Les œuvres de Cassirer sont intégralement éditées en Allemagne et la publication de l’œuvre intégrale de Heidegger touche à sa fin, couronnée depuis 2014 par les Cahiers noirs. Ils confirment la radicalité de son antisémitisme, lequel permet de mieux comprendre ses prises de position polémiques contre Hermann Cohen et Ernst Cassirer.
Ont contribué à cet ouvrage Leonore Bazinek, Fabien Capeillères, Emmanuel Faye, Jean Lassègue, Sidonie Kellerer, François Rastier, Enno Rudolph, Jean Seidengart, Ulrich Sieg, Muriel van Vliet et Heinz Wismann.