Poésie et arts, XIXe, XXe & XXIe siècles
Textes réunis par Corinne Bayle & Éric Dayre
Il s’agit ici de mettre en lumière filiations et croisements entre les œuvres et les artistes fascinés par un motif de pure abstraction, l’arabesque. Symbole du travail esthétique, faisant jouer l’imagination comme la réflexion la plus haute de l’esprit humain à partir du moment romantisme où la peinture lègue le motif de l’arabesque à la poésie en dépassant le décoratif vers une signification essentielle, exhibant la gratuité, la liberté, la fantaisie et la supériorité de l’art sur la nature. L’arabesque unit les contraires, la courbe et la ligne, donne apparence à l’impossible, se fait chimère et allégorie, hiéroglyphe à déchiffrer. Exaltant le bizarre et le fantasque, elle souligne et transcende le hiatus entre le fini du réel et l’infini de l’idéal, visant une harmonie, une pure combinaison de signes rêvée comme art total. De façon réversible, elle symbolise l’écriture dans son pouvoir de création incessante, et la lecture elle-même, dans ses jeux sémantiques démultipliés : lecture du texte, du tableau, de la partition, du monde et de l’être.
Le volume analyse l’évolution du motif de l’arabesque dans le passage du Romantisme à la Modernité en soulignant la manière dont les artistes se nourrissent d’œuvres et d’images antérieures qu’ils transfigurent en déplaçant signes et matériaux, infléchissant l’arabesque vers une figure synthétique unissant les formes les plus pures de la nature et les formes les plus complexes de l’esprit humain. On redécouvre le motif chez des poètes ou des artistes tels Berlioz, Hugo, Musset, Nerval, Moreau, De Quincey, Poe, Van Gogh, Eisenstein, Michaux, Fourcade. D’autre part, sont mises en relation des œuvres et des esthétiques apparemment éloignées, par des croisements originaux, tel les effets de la lecture de Schlegel, tel Valéry et le modèle mathématique de Mandelbrot ou les recherches botaniques de Goethe et le Land art d’un Robert Smithson retrouvant la mystique arabe, de sorte que l’ouvrage apporte une synthèse et fait le point sur l’Arabesque du xixe au xxie siècle. Il ouvre ainsi des perspectives de réflexion pour la littérature, la musique, la peinture, le cinéma ou la danse, et souhaite donner l’impulsion à d’autres recherches dans ces domaines, en une perspective comparatiste entre les arts qui nous semble être l’avenir le plus créatif des sciences humaines.