Derrida est-il aujourd’hui un philosophe qui peut nous aider à penser ce qui nous arrive ? Résolument oui. La pensée de Derrida est toujours d’une brûlante actualité à condition de savoir la lire. Cet essai l’explicite en interrogeant à travers « l’excès de vie », cet étrange concept de « spectre » qui fait de la philosophie derridienne une philosophie inouïe, pour ne pas dire une philosophie de l’inouï. Comment penser le spectre ? Voici un concept peu philosophique qui travaille de manière absolument inédite toute la philosophie derridienne. La philosophie de Derrida est un « corps spectral » dont cet essai reconstitue les articulations. En montrant que la déconstruction peut être pensée comme le résultat de la jonction improbable de l’intentionnalité husserlienne (ou du Présent-Vivant) et de la compulsion de répétition freudienne, il laisse ressurgir un sur-vivant qui bien loin de porter la mort, excède la vie présente pour se projeter vers l’à venir. De manière tout à fait inattendue, une telle approche permet tout d’abord de comprendre comment la philosophie derridienne s’inscrit dans la tradition philosophique tout en la déconstruisant, pour l’ouvrir sur son dehors. Elle permet enfin, et surtout, de saisir la grande cohérence de la pensée de Derrida, qui a profondément renouvelé notre réflexion sur des sujets pour le coup très classiques en philosophie, comme la technique, la virtualité, la politique et l’éthique.
Élise Lamy-Rested est directrice de programmes au Collège International de Philosophie (CIPH). Elle est docteure en philosophie de l’Université Paris 4 Sorbonne et auteure du livre Parole vraie, parole vide paru aux éditions Classiques Garnier en 2014.