Dans Les Sacrifices de l’amour (1771), le romancier Claude-Joseph Dorat définit le XVIIIe siècle comme une époque où les hommes cherchent à séduire les femmes « pour obtenir le droit de les mépriser ». Pareil propos a de quoi surprendre : aujourd’hui, on a plutôt l’habitude d’entendre parler élogieusement du libertinage des Lumières, qui aurait fait éclater le corset moral et religieux qui réprimait les désirs sexuels. Mais faut-il vraiment associer « libertinage » et « liberté » ? Le présent ouvrage voudrait rendre la parole, sur ce point, aux écrivains du XVIIIe siècle. Leurs écrits suggèrent que, pour comprendre les enjeux du libertinage, il faut replacer celui-ci dans le temps long d’un affrontement entre les deux sexes qui dure depuis l’aube de l’humanité. L’Éros des Lumières correspond à une stratégie mise en œuvre par les hommes pour exercer sur les femmes une domination sans partage. Sous le prétexte d’inviter celles-ci à prendre leur part dans les plaisirs amoureux, les séducteurs tendent un piège au sexe féminin : la sophistique libertine s’emploie à faire de chaque femme une esclave heureuse, asservie à la toute-puissance masculine, rendue disponible à merci et forcée de reconnaître pour seul et unique maître, le phallus.
Maître de recherches à l’université de Namur, membre de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique, Michel Brix a consacré une quarantaine d’ouvrages – essais et éditions – à la littérature française des XVIIIe et XIXe siècles. Il a déjà publié, chez Kimé, Hugo et Sainte-Beuve. Vie et mort d’une amitié « littéraire » (2007), L’Entonnoir, ou les Tribulations de la littérature à l’ère de la modernité (2013) et Poème en prose, vers libre et modernité littéraire (2014).