Si l’on peut dire que le Temps est l’espace même de l’art, c’est que, dans sa relation la plus intime avec l’art, il est toujours, pour l’artiste, un défi à relever, une laideur à transfigurer, une finitude dont il lui faut repousser les limites. C’est de cette volonté d’affronter notre blessure intime – le temps horizontal dont l’irréversibilité fait le tragique de l’existence – que naît l’art. A ce temps horizontal, l’œuvre oppose son temps propre, son battement de cœur : un temps vertical qui jaillit dans la plénitude d’un présent et d’une présence qui font de l’œuvre l’avènement d’un événement : une « sensation-révélation ». Au croisement du temps horizontal et du temps vertical brille l’or pur de l’œuvre d’art. Il est son présent : l’Instant suspendu, et son Offrande. Une instance de rassemblement pour convoquer et accueillir une présence. Telle est l’épiphanie de l’œuvre d’art qui, se rendant présente dans le réel par la grâce de notre regard enrichi d’une nouvelle générosité, nous rend le monde plus précieux.
Ancien élève de l’E.N.S. de Saint-Cloud, agrégé de philosophie, Michel Ribon a enseigné la philosophie à Aix-en-Provence, puis au lycée français et à la faculté française de Beyrouth. Ancien résistant et déporté, il a publié Le Passage à niveau (Ed. Alain Moreau, 1972), L’Art et la nature (Ed. Hatier, 1988), Archipel de la laideur, essai sur l’art et la laideur, (Ed. Kimé, 1995).