La fascination de Théodore de Géricault (1791-1824) pour l’anatomie l’a conduit à violer les règles académiques régissant la représentation du corps humain. Le bon goût dont se réclamaient les artistes de son époque exigeait que l’on s’en tienne à la surface, à l’épiderme de l’homme. La présence physique est ici traduite par une perturbation de la ligne et des proportions idéales, quand ce n’est pas la vigueur de la touche et l’épaisseur de la couche picturale. En s’attachant à mettre en scène des êtres déchirés et souffrants, la peinture du Radeau de la Méduse à mis à jour le contenu métaphysique sous-jacent à l’exploration anatomique. La toile et la feuille de papier sont chez lui le lieu d’un acharnement de l’imaginaire qui torture un corps dont la beauté ne suffit plus.
Martial Guédron est Maître de conférences à l’Institut d’Histoire de l’Art de l’Université de Strasbourg II. Auteur d’une thèse sur les rapports entre peinture et nationalisme en Belgique au début du XIXe siècle, il étudie les mythes de l’art romantique et la naissance de la modernité à travers les arts visuels.