La qualité du comique de Jacques Tati n’est plus à démontrer, tant elle est aujourd’hui reconnue. Moins souligné, il convient de mettre en évidence un aspect très remarquable de l’œuvre de ce prodigieux cinéaste : sa valeur de témoignage.
En cinq films, illustrant de façon éloquente un sens de l’observation reconnu dès l’enfance, Tati a rendu compte de l’évolution prodigieuse qui a caractérisé la France entre 1945 et 1975, désignée par Jean Fourastié selon l’expression « Les Trente Glorieuses ».
Sans manifester le moindre didactisme, en inscrivant tout simplement ses scénarios dans la réalité la plus authentique, de la petite place de Sainte Sévère au salon automobile d’Amsterdam, en sociologue et historien de son temps, qualificatifs qui l’eurent fait bondir, Tati s’est révélé être le meilleur observateur d’une période unique dans l’évolution de notre pays. À l’heure où le cinéma manque souvent de sens du réel, reconsidérer l’œuvre de Tati sous cet angle, accroît, s’il en était besoin, la reconnaissance d’un génie admiré par les plus grands.
Yves Pédrono, docteur en sciences de l’éducation, spécialiste de l’illettrisme, ancien professeur de philosophie, a précédemment publié Et Dieu créa l’Amérique (2010, Editions Kimé) et Elle court, elle court la bêtise (2013, Société des Ecrivains).